jeudi 6 mars 2008

Convictions selon les circonstances.



Je découvre des gens extraordinaires en Dordogne.
Le dernier exemple est Monsieur Jean-Paul Goubie, patron départemental du MEDEF, chef d'une entreprise de 150 employés produisant du bois de construction à Prigonrieux.
Il conduit, à Prigonrieux (commune de 4000 habitants limitrophe de Bergerac) une liste soutenue par l'UMP et le Modem, contre trois autres de gauche.
Mais s'agit-il d'une liste de droite ?
"Oui et non, en fait. Comme le dit ce spécialiste de la vie politique prigontine, qui tient par dessus tout à rester discret : « Ici, la tête de liste la plus à droite n'est pas celle que l'on croit, et la tête de liste la plus à gauche n'est pas non plus celle que l'on croit.» Une aspirine ?
Jean-Paul Goubie est issu d'une vieille et emblématique famille communiste de Prigonrieux. Mais c'est un patron. Du coup, on s'y perd un peu. A la présidentielle, il vote pour la socialiste Royal. Aux cantonales, il vote pour le communiste Zaccaron (maire de La Force). Aux législatives, il vote pour l'UMP Garrigue (maire de Bergerac). Et aux municipales ? Il vote François Lasternas (maire sortant de Prigonrieux), comme (presque) tout le monde. « Je suis pour la politique pragmatique », dit-il. C'est le moins que l'on puisse dire..." (extrait de Sud-Ouest.com du mercredi 5 mars 2008)

mardi 4 mars 2008

Nos racines

Pour une fois, je laisse dire et ne rajoute rien. Cet article me convient parfaitement.

Judéo-chrétien

Il est des phrases qu'iI faut qu'on tue
. De ces sentences péremptoires, éructées une fois pour toutes par un pompeux imbécile qui croyait avoir inventé le papier tue-mouches ou par un homme d'esprit - c'est un métier? - tout heureux de laisser au monde ébloui un de ces aphorismes qu'on pose sur la cheminée du salon pour les regarder bien à l’aise.
Voici la formule. Elle s'assène avec une calme certitude, en début de cours ou de discours, assurée que nul ne songerait à la discuter, pas plus u'on ne discuterait la constatation que le soleil se lève à l’est:
« Du fait de notre culture profondément judéo-chrétienne, nous, Occidentaux... etc. »
Variante: « Il est certain que notre civilisation, fruit d'une pensée essentiellement judéo chrétienne... etc. »
Ou encore: « Notre philosophie, notre aptitude au raisonnement scientifique, notre sensibilité artistique, nos conceptions morales même sont le produit de deux mille ans de christianisme. C'est par cette tournure de pensée judéo-chrétienne que l’Occident a su s'imposer au monde entier, en faire la conquête, comprendre l’Univers, déceler les lois qui régissent la nature, soumettre celle-ci à la satisfaction de nos besoins... etc. »
Eh bien, non. Ce qui caractérise la pensée dite « occidentale» n'a rien de judéo-chrétien, pour autant que ce mot à charnière signifie quelque chose. La pensée rationnelle est apparue – longtemps avant la naissance du supposé Christ - en Grèce. « Rationnelle» parce que enfin elle avait pu fonctionner en faisant fi des pulsions perturbantes des instincts, peurs, passions, sentiments et autres pièges de l’irrationnel. Ce ne fut pas l’effet d'un miracle, une espèce d'illumination. J'imagine que cela se fit par étapes. Enfin la méthode était prouvée.
Cette méthode - la pensée féconde – fut transmise par la Grèce à Rome. Elle disparut peu après les débuts de l’ère qu'on dénomme « chrétienne », sous les coups des barbares teutonesques, certes, mais surtout par la
Minutieuse autant que brutale extirpation des empereurs devenus chrétiens et prosélytes.
Il se peut que j'insiste un peu trop sur des faits supposés scolairement appris, veuillez me le pardonner et sautez le passage. La nuit médiévale devait durer du quatrième au seizième siècle. Mille deux cents ans. L’Occident n'était que fracas d'armes et bourdonnement de patenôtres.
Cependant l’héritage grec - gréco-romain! - se cramponnait à la vie, dans les cerveaux fertiles de penseurs arabes et juifs que leurs religions laissaient libres sur ce point tant qu'ils ne touchaient pas aux dogmes. Il est amusant de se dire que les croisades, ces massacres imbéciles au nom de la foi, contribuèrent aux premiers
contacts, aux premières curiosités entre l'Occident abruti par l’Église et l’Orient plus ouvert à la pensée objective.
Vint la Renaissance. Vinrent les Lumières. On osait secouer la lourde chape. La pensée, d'abord timidement - elle eut ses martyrs -, reprenait vie. Et ce fut l’embrasement. Quand on commence à raisonner, à observer, à expérimenter, causes et effets s'enchaînent, accélèrent, la connaissance n'a plus de limites. Le dogme est immuable. La science vole vers la lumière
Encore une fois pardonnez-moi ce rabâchage un peu trop scolaire. Il n'était pas superflu pour conclure que
rien, là-dedans, n'est l’effet d'une pensée « judéo-chrétienne ». Les progrès de la connaissance ne lui doivent rien. Tout au contraire, cette « pensée », c'est-à-dire l’Église, a tout fait pour en contrarier l’émergence. Le christianisme fut une tumeur, une excroissance pathologique qui eût pu être mortelle. C'est lorsqu'il se fut enfin débarrassé de cet étouffoir que l’esprit put fonctionner à 'pleine puissance.
Je ne prétends pas que la pensée rationnelle soit le fait exclusif d'athées ,ou de sceptiques. Je dis seulement que ce n'est pas dans la Bible, dans les Évangiles ou dans un quelconque livre dit « saint » que Newton, Copernic, Galilée, Einstein, Avicenne, les Curie, Watson et Crick… sont allés chercher des principes de raisonnement. Tout scientifique accroche Sa foi au portemanteau du vestibule avant d'entrer dans son laboratoire.
Vous pensez que je me tracasse pour des vétilles? Que désormais la foi reste bien sagement à sa place, à genoux dans l’église, laissant la raison s'occuper des choses sérieuses? Écoutez la rumeur. Elle a de plus en plus un ton de psalmodie qui, sournoisement, couvre peu à peu les autres voix. Des hommes d'État militent pour que le mot « Dieu» ou, à tout le moins, une référence à la christianité foncière de l’Europe soient mentionnés dans la Constitution de l’Union. Un président de la République - le nôtre! - veut introduire plus de « spiritualité» - celle des sorcières et des curés - dans la vie sociale et politique.
La cause est entendue. La part « judéo-chrétienne» de la pensée occidentale est une excroissance parasitaire, un anti-progrès, une maladie mentale du corps social. Comme toute pensée tordue par une religion. Nos fondations reposent sur le roc gréco-romain, s'il faut absolument lui donner un nom à rallonges.
Il ne manque pas d'écrivains, de philosophes, voire de scientifiques, pour essayer de marier la foi religieuse et la raison raisonnante. Acrobaties de timorés...
Je sais. Récuser Dieu n'est pas, mais pas du tout du tout tendance. On ne se refait pas.

Cavanna Charlie-Hebdo Mercredi 20 février 2008