lundi 8 mars 2010

Détournement de vocabulaire.

« LA FRATERNITE RELEVE DE L'ORDRE MORAL »

Christian Delporte est spécialiste de l'histoire des médias et du journalisme, il est professeur en histoire contemporaine à l’université de Versailles, et auteur d'une Histoire de la langue de bois (Flammarion). Il revient pour Charlie sur des vœux présidentiels placés sous le signe de la « fraternité ».


CHARLIE HEBDO : Étonnant de voir Nicolas Sarkozy reprendre un terme rendu célèbre par Ségolène Royal..
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CHRISTIAN DELPORTE: Le phénomène n'est pas aussi étonnant que vous le dites. D'abord, parce que l'un et l'autre ont fait une campagne sur la notion de « valeurs », des valeurs en définitive peu éloignées les unes des autres. Patrie, Ordre, Travail… Ce qui me frappe, moi, en tant qu'historien, c'est qu'on parle «valeurs» quand on ne parle plus politique. Quand l'absence de projets devient patente, on se rabat sur la morale. C'est un grand classique de l'histoire politique.

Reconnaissez qu'en dehors de Ségolène Royal le mot n'a guère conquis la gauche, quelle qu'eUe soit...

C'est évident. Ségolène Royal elle-même a compris les profondes réticences de son propre camp. La liberté est un droit, l'égalité aussi: Mais, si on y réfléchit bien, il n'y a pas plus flou que la fraternité. C'est une obligation qui relève de l'ordre moral, avec une nette connotation chrétienne, d'où sa non-utilisation par la gauche, qui lui a toujours préféré logiquement la notion de justice. Quand la gauche parle de fraternité, c'est toujours dans un cadre non partisan, comme quand la LOH (Ligue des droits de l'Homme) organise un concours de poèmes sur ce thème, etc. Le fonds marxisant de la gauche française a toujours été un frein à son utilisation.

Le mot « fraternité» est peu utilisé en politique, il est toujours accolé à « liberté» et « égalité », et dans ce cas, il évoque bien sûr la devise de la République. Et le voilà utilisé seul désormais, en quelque sorte monté en épingle.
L’utilisation du mot « fraternité» hors contexte républicain nous vient de l'extrême droite, plus précisément du poujadisme.
Dans les années 1956-1958, leur journal s'appelait Fraternité, et leur groupe parlementaire « Union et Fraternité française ».
Aujourd'hui, on retrouve ce mot dans l'univers frontiste. L’association du FN d'aide aux nécessiteux s'appelle « Fraternité française », terme que l'on retrouve dans le chapitre 8 du programme du MNR. Pour le MNR comme pour le FN, il s'agit d'assimiler la France à une famille. A une famille de « Français », évidemment.

Politiquement, à quoi répond l'utilisation de ce mot, ici et maintenant, dans le cadre solennel des vœux, et par les plus hautes autorités du pays?

Son utilisation dans le discours présidentiel du 31 décembre répond à un double objectif. Évacuer la notion d'égalité du débat politique, notion qu'il a toujours pris soin d'accoler à un vieil épouvantail de la droite, « l'égalitarisme ». Cette obsession se ressentait parfaitement dans le discours qu'il a prononcé à Bercy à la fin de sa campagne présidentielle. L’égalité, c'est placer les citoyens au même niveau, ce qui n'est pas, c'est le moins que l'on puisse dire, l'essence du sarkozysme. Sarkozy lui préfère de loin la notion d'équité, qui lui permet d'introduire au cœur du débat un thème qui lui est cher, le « mérite ». Vous remarquerez que le « mérite» est aussi flou politiquement que la « fraternité »,
L’autre intérêt de l'introduction du mot fraternité dans le débat est de sortir par le haut du piège de l'identité nationale. Comment mieux occulter l'explosion de dérapages xénophobes, visible sur le site du ministère? On va beaucoup entendre parler de «fraternité» dans les semaines qui viennent, pour éteindre l'incendie.

Au-delà de l'usage conjoncturel que vous décrivez, l'utilisation de ce mot peut-il laisser des traces dans la mémoire collective?

Je le pense. Accoler Fraternité à Liberté et Egalité est tout sauf neutre. La fraternité sert à lier entre elles ces deux notions antagonistes que sont la liberté, qui fait appel à l'histoire individuelle, et l'égalité, démarche collective. Seule, je le répète, la fraternité ne signifie pas grand-chose, et la monter ainsi en épingle en la séparant des deux autres n'a aucun sens en République.

Propos recueillis par Anne-Sophie Mercier
Pour Charlie Hebdo n° 916 du 6 janvier 2010





Jacques dit: Le Président désiré par les français aurait pu dire: "France, de ta devise, je ne garde que "Fraternité". De ton drapeau je ne garde que le bleu."(cf Charb)


En tout cas le Monsieur continue à discourir dans le plus grand flou, avec des mots qu'il croit ronflants mais qui sont vides de sens politique et qui ne sont que des attrape-nigauds, du rabâchage poujadiste, de la démagogie qu'il pense à même de plaire au "peuple" (qu'il méprise tellement!).

Il utilise le mot "fraternité" comme le ferait un prêcheur à ses ouailles le dimanche du haut de sa chaire. Je sais bien que la France est la fille aînée de l'Église catholique, apostolique et romaine, et que notre président est chanoine honoraire de Saint-Jean-de-Latran mais il est surtout le président d'un état laïque qui n'a pas à suivre des us et coutumes religieuses.

Il continue à montrer qu'il n'est pas républicain.

S'il y avait un tant soit peu de fraternité chez cet homme, ça se serait remarqué!

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