Dans Charlie Hebdo n° 1147 du 11 juin
2014
AUX ABSTENTIONNISTES ET
AUX DÉÇUS DE LA POLITIQUE
On
a souvent entendu, ces deux dernières semaines, ce reproche fait aux
médias (y compris à Charlie) et aux politiques de surestimer
l'ampleur du vote FN aux européennes. L'argument consiste à dire
qyue 42,43 % des électeurs seulement s'étant déplacés, le FN
ne représente pas 24 % des français, mais de ceux qui ont
voté, soit environ 10 %.
À
première vue, ceux qui pensent ainsi ont l'arithmétique de leur
côté. Ils peuvent même rappeler que, le FN ayant obtenu 4,712
millions de voix, il perd 1,7 million de suffrages par rapport au
score de Marine Le Pen à la présidentielle de 2012. Sauf que la
politique, ce n'est pas comme cela que ça marche : le
vainqueur, celui qui exerce le pouvoir, donc, est élu à la majorité
des suffrages exprimés. En d'autres termes. celui qui ne se déplace
pas pour voter ne peut pas se plaindre ensuite d'être représenté
par des élus dont il ne voulait pas, car le sort du scrutin était
entre ses mains. Difficile, en plus, de ne pas avoir trouvé, parmi
les multiples listes en concurrence, sa sensibilité: il y en avait
22 dans la circonscription Nord-Ouest et 31 en Île-de-France!
Avec la proportionnelle, les formations émergentes avaient une
chance de se faire entendre et d'obtenir des moyens financiers, ce
qui aurait dû mobiliser davantage les Français que lors d'une
élection au scrutin uninominal majoritaire. Au risque de me répéter,
je considère qu'il est trop facile de minorer le score frontiste en
arguant du taux
d'abstention: en démocratie, les abstentionnistes ont toujours tort.
Si l'offre politique
ne leur convient pas, que
cent partis nouveaux fleurissent, que mille candidatures
indépendantes se déclarent.
Non seulement la
performance du FN ne doit pas être sous-estimée, mais elle doit
apparaître comme d'autant plus inquiétante et remarquable que le
sens civique disparaît au profit d'une sorte de nihilisme ou de
je-men-foutisme râleur. Il y a certes mille raisons de se sentir
étranger au spectacle souvent peu ragoûtant de la cuisine
politique, et ce n'est pas pour rien que les catégories populaires,
de la classe moyenne et des jeunes ont déserté les bureaux de vote.
À ces Français-là, posons la question. Vous, les 73 % de moins tie
35 ans qui vous êtes abstenus, alors que 60 % des plus de
60 ans votaient:
voulez-vous voir votre avenir dicté par les rentiers des Trente
Glorieuses ? Vous, les
ouvriers, employés et
chômeurs qui êtes restés a la maison dans une proportion comprise
entre 65 et 70 %, pouvez-vous continuer à ignorer que 50 % de ceux
qui gagnent plus do 50 000 euros par an ont voté ? Souhaitez-vous
n'avoir le choix en 2017 qu'entre Sarkozy et Le Pen ? Votre déception
vis-à-vis du Parti socialiste ne pouvait-elle pas s'incarner par un
vote Front de gauche ou Nouvelle
Donne ? Quand on en a
réellement marre de l'austérité et du gouvernement de la finance,
on se bouge, comme l'ont fait les Portugais et les Grecs. On se remue
d'autant plus que. au cas où vous n'auriez pas encore compris, le
FN, lui, a la niaque et mobilise mieux ses électeurs que la gauche
et l'UMP les leurs.
Ceux pour qui on a
surévalué la vote frontiste diront aussi: vote de protestation!
Tous les spécialistes sont certains du contraire, mais peu leur
importe. Ils réaliseront peut -être, aux
régionales puis an 2017,
que, de protestation ou d'adhésion, une voix est une voix, de sorte
que
Marine Le Pen, ou un
quelconque estampillé FN sera peut-être un jour élu à la majorité
par des
protestataires qui, aux
au moins, auront pris leur sort entre leurs mains.
Dire que le vote FN est
surévalué est enfin une manière de répéter qu'il n'existe pas
24 %
d'électeurs fascistes ou
d’extrême droite. C'est parfaitement exact. Il est même probable
qu'une
bonne proportion a des
raisons de choisir le FN autres que la xénophobie ou la volonté de
vivre
sous un régime
autoritaire. C'est précisément pour cela d'ailleurs que Le vote de
4,7 millions de
Français dans une
élection non décisive pour notre pays doit être pris au sérieux.
Jean-Yves Camus
Jacques dit: Les français vont aux urnes ou n'y vont pas, sans réflexion. Je suis bien certain que très peu d'électeurs ayant voté FN n'ont pas lu le programme de celui-ci qui mélange état fort avec xénophobie et assimilation de manque de travail, d'insécurité et immigration, qui veut un contrôle de la Culture, qui veut une école sans réflexion des élèves, une discipline militaire, une justice qui offrira 40 000 places de prison en plus ... Ou alors ils ont lu ce programme ou ils sont d'accord avec le discours de Marine Le Pen et sont responsables du score du FN dont la présidente passe sur les médias bien davantage que les partis d'extrême gauche (L.O. par exemple). Ces électeurs et ces abstentionnistes semblent adhérer aux différents points du programme FN. Où va l'idéal humaniste de la France?
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